La Constitution du 22 janvier devrait logiquement disparaître

La Constitution du 22 janvier devrait logiquement disparaître

La très controversée Constitution du 22 janvier 2001 n'a plus sa raison d'être, à en croire l'éminent constitutionnaliste El Hadji Mbodji avec qui nous nous sommes entretenus.

--- Barka Isma BA ---

 

Le POPulAire

Quotidien d’informations de proximité - ISSN 0851 2444 - N°3719-Mardi 17 Avril 2012-p.4

 

http://www.popxibaar.com/PR-EL-HADJI-MBODJI-AGREGE-DES-FACULTES-DE-DROIT-La-Constitution-du-22-janvier-devrait-logiquement-disparaitre-avec_a12103.html

 

«L’épisode douloureux de la pratique wadienne du pouvoir d’Etat appelle inéluctablement l’adoption d’une Constitution de rupture. La Constitution du 22 janvier, dévalorisée par son instrumentalisation sans commune mesure par un leader naturellement penché vers la patrimonialisation du pouvoir, devrait logiquement disparaître avec celui qui en fut l’incarnation physique», indique le professeur de droit constitutionnel, El Hadji Mbodji. Avant d'affirmer : «Je pense que la refonte du système constitutionnel sénégalais est l’aspiration la mieux partagée de tous les acteurs politiques au sortir de la présidentielle de 2012».

 

Sur sa lancée, l'agrégé des Facultés de droit explique que «la refonte du texte constitutionnel peut emprunter la forme d’une révision constitutionnelle qui s’inscrit dans la continuité du système hérité de Wade ou de l’adoption d’une nouvelle Constitution bâtie sur un véritable consensus social. Il reviendra aux futurs constituants, le moment venu, de choisir entre ces deux procédés, encore que la rupture totale avec le système constitutionnel wadien emporte (sa) préférence».

 

Sur la disposition des pouvoirs publics, notamment la place du Premier ministre dans le système constitutionnel, le Pr El Hadji Mbodji déclare que «les options sont multiples». «Ainsi que j’ai eu à la souligner, il y a plus d’une décennie, la Primature est une 'institution-caméléon' qui peut s’adapter à toutes les situations institutionnelles. Le Premier ministre peut être chef de l’exécutif chargé de déterminer la politique nationale. Il peut conduire cette politique sans la déterminer ou bien se charger simplement de l’exécution de la politique définie du président de la République. L’institution peut être perfide en servant de mécanisme de transmission directe du pouvoir présidentiel par la voie du dauphinat constitutionnel, comme ce fut le cas au Sénégal en 1981 et au Cameroun en 1984», souligne le Pr Mbodji.

"Le président Macky Sall a la chance historique de léguer au Sénégal une Constitution durable"

 

Et d'attirer l'attention sur le fait que, «dans l’ordonnancement constitutionnel du Sénégal, le Premier ministre est une institution essentiellement subordonnée à la volonté du président de la République qui dispose d’un droit de vie et de mort politiques sur la personne de l’occupant de la Primature qu’il nomme et révoque discrétionnairement».

 

Toutefois, fait remarquer El Hadji Mbodji, «dans le dispositif constitutionnel actuel, le Premier ministre ne peut être réduit au statut du premier des ministres. Le président Wade s’était au départ inscrit dans une logique de responsabiliser davantage le Premier ministre. La Constitution du 22 janvier 2001 lui confère de réelles prérogatives constitutionnelles. Il peut nommer à des emplois civils déterminés par la loi ; il dispose d’un pouvoir réglementaire sous réserve des dispositions de l'article 43 de la Constitution et de l'administration. Enfin, une innovation majeure par rapport à la Constitution du 7 mars 1963, le Premier ministre peut nommer à des emplois civils dans les conditions déterminées par la loi». En outre, «le président de la République peut lui déléguer certains de ses pouvoirs ou l’autoriser à prendre des décisions par décret, conformément à l’article 50 de la Constitution».

 

Mais, se désole le Pr Mbodji, «ces stipulations constitutionnelles n’ont, à ce jour, connu la moindre effectivité. Le président Wade s’était gardé de prendre ou de faire prendre les mesures d’accompagnement devant permettre au Premier ministre de faire prévaloir une réelle suprématie au sein de l’équipe gouvernementale».

 

Pour l'agrégé des Facultés de droit, «il est grand temps de résoudre définitivement le problème constitutionnel du Sénégal qui, comme le fait remarquer le professeur Babacar Kanté, est un modèle de stabilité politique et d’instabilité constitutionnelle». «Le président Macky Sall a la chance historique de léguer au Sénégal une Constitution durable. Il ne doit toutefois pas reproduire l’erreur commise en 2001 par le président Wade qui a fait de la Constitution du 22 janvier 2001 son instrument lui permettant d’asseoir un leadership incontesté sur tous les plans».