En marge du séminaire de réflexion sur l’élaboration de la future Constitution

En marge du séminaire de réflexion sur l’élaboration de la future Constitution

Pendant deux jours, le Bureau du Sénat et l’Institut électoral sud-africain –Eisa- ont mis les sénateurs à l’école du savoir constitutionnel. Le but du séminaire qu’ils ont organisé à leur intention été d’autopsier de fond en comble les maux dont le pays s’est affublé depuis son accession à l’indépendance jusqu’à ce jour. Des maux tellement récurrents qu’il poursuit jusqu’à ce jour une errance désespérée dans un labyrinthe sans fin. En compagnie d’hommes de droit, les sénateurs ont passé quarante-huit heures à faire une critique sans complaisance de toutes les différentes Constitutions qui ont dirigé ce pays. Cet examen a permis aux intervenants et aux séminaristes de se convaincre tous, sans exception ou presque, qu’ils n’ont été que du « sur mesure », des « prêt-à-porter » à travers lesquels les princes ont trouvé leur compte, pendant que le peuple a été invité à entamer une interminable descente aux enfers qui se poursuit jusqu’à ce jour !

 

Kinshasa , 23.09.2004 | Politics

Source:www.digitalcongo.net

 

Tous les exposés développés par les orateurs ont souligné de péremptoire façon l’inadéquation qui a caractérisé toutes les lois fondamentales que les différents législateurs ont donné à ce pays. Un intervenant a même affirmé que la fameuse Loi fondamentale de 1960, pourtant élaborée par d’éminents juristes belges n’a été qu’une somme de concepts juridiques intentionnellement compliqués pour engager les politiciens congolais hors du chemin de la concorde nationale, facteur sine qua non pour créer les conditions de paix, de développement et donc de bonheur du peuple congolais.

 

On a vu, un mois à peine après la proclamation de l’indépendance, comment la cacophonie s’était installée au sommet de l’Etat où le Chef de l’Etat, élu par les deux Chambres réunies du Parlement a congédié le Premier ministre pourtant élu au suffrage universel et comment ce dernier a réagi en révoquant lui aussi le Chef de l’Etat ! Le vaudeville congolais est parti de ce texte diffus à souhait et les sénateurs ont donc été invités à retenir qu’il est absolument impérieux de doter notre pays des lois qui collent comme des sangsues à ses propres réalités. Pas de mimétismes, ni de copies serviles, mais des lois qui seront les reflets exacts des aspirations profondes du peuple congolais, comportant des clauses qui garantissent ses libertés fondamentales et ses droits les plus inaliénables et les protègent, réglementent l’exercice du pouvoir en Rdc, décrètent la séparation des pouvoirs et restituent aux magistrats, aux fonctionnaires de l’Etat, aux agents de l’ordre, aux enseignants l’aisance matérielle qui doit les mettre à l’abri des actes de prévarication, confèrent à la magistrature une vraie indépendance, barrent la route à l’impunité, etc …Bref un ensemble de lois qui ne doivent pas être un état d’esprit, mais une somme d’aspirations collectives du peuple congolais dans sa quête du mieux-être! C’est ce que l’honorable Emile Ilunga, 1er vice-Président du Bureau du Sénat a appelé dans son discours inaugural comme de juste façon le « futur contrat social entre Congolais ».

 

Controverse autour de la paternité de la Constitution de la Transition

 

La Constitution de la Transition a suscité une petite querelle entre certains séminaristes et le professeur El Hadj Mbodj, expert constitutionnaliste de l’Union européenne. Ces sénateurs lui ont attribué la paternité de certains laxismes contenus dans la Constitution de la Transition en tant qu’ancien Président de la commission politique et juridique et surtout en sa qualité de conseiller technique auprès de M. Moustapha Niasse au cours du Dialogue intercongolais, il ne pouvait pas ne pas avoir inspiré d’une manière ou d’une autre certains articles de cette loi fondamentale qui réglemente la Transition en Rdc. Ils ont craint que sa présence à Kinshasa pour assister à ce séminaire pourrait se comprendre dans le sens d’une tentative d’influer sur les rédacteur appelés à assembler les matériaux pour l’élaboration de la future Constitution. 

 

Pour l’éminent constitutionnaliste sénégalais qui a flairé dans le chef de ses contradicteurs, il s’agissait d’un procès d’intention qui ne devrait pas faire oublier que s’il est vrai que les négociations politiques intercongolaises se sont déroulées sous les auspices de la communauté internationale, il est faux d’affirmer que la Constitution de la Transition qui en découle n’est pas la manifestation de l’expression des aspirations formulées par les participants au Dialogue intercongolais. Tout en opinant du bonnet avec les souverainistes qui plaident pour un texte juridique qui soit en parfaite symbiose avec les réalités nationales, et s’il a partagé leur point de vue sur la nécessité d’ « éviter les modèles importés », le professeur El Hadj Mbodj les a cependant invités « à se départir de la logique cartésienne sur la Constitution de Transition parce que, a-t-il dit, si sa finalité reste de restaurer la paix, en attendant la mise en marche d’un processus visant à prendre en compte les aspirations du peuple congolais », on doit bien avouer que ce document tient ses promesses. 

 

Avec l’air de confirmer qu’il est dans le bon dans son constat de la situation politique actuelle en Rdc, le bras droit de Moustapha Niasse persiste et signe : « La Constitution de Transition n’est pas un monstre, mais un modèle d’engagement engendré en fonction des réalités qui se sont imposées au moment de sa prise ». 

 

Assumant davantage ses convictions sans peur d’être contredit, El Hadj Mbodj a affirmé que « la Constitution de la Transition c’est le fruit de l’esprit et de la lettre de l’Accord global et inclusif, et le compromis entre les forces adverses en présence au Dic ». Sans nier la précarité de l’équilibre qu’elle assure, pour lui, « même si cette Constitution a une portée limitée dans le temps, il ne reste pas moins vrai que ce texte n’a pas été imposé de l’extérieur, que la communauté internationale n’en a été que le témoin ».

 

En fait, pour mieux situer le sens de l’intervention de l’homme de droit sénégalais dans ce débat, il importe de signaler que celle-ci a surgi à la suite de la préoccupation formulée par un intervenant au sujet de la garantie internationale que le peuple congolais est en droit d’attendre de la part de la communauté internationale après l’adoption de la future Constitution, étant entendue, dans son entendement, que l’actuelle Constitution de la Transition est un texte de circonstance inspiré par l’extérieur.

 

C’est alors donc que le prof. El Hadj Mbodj a répondu que « l’Accord global et inclusif a posé les germes des retrouvailles entre les enfants du Congo, avec comme corollaires l’implication de tous les acteurs à la gestion de la recherche de la meilleure manière qui doit les amener à rechercher l’instauration de l’Etat de droit ».

 

Dans un souci d’apaisement à l’initiateur de cette préoccupation, l’éminent homme de droit sénégalais a enfin rassuré ses interlocuteurs en disant qu’ « Il n’est pas réservé une petite place à la communauté internationale d’intervenir pour s’ingérer ou s’immiscer dans l’élaboration de votre future Constitution. C’est la Commission Constitutionnelle d’abord, la plénière du Sénat ensuite, qui vont amender ce texte avant de le soumettre à la sanction du souverain primaire ». Plus explicite encore, El Hadj Mbodj a tranché net : « La Constitution congolaise à venir sera entièrement élaborée par les Congolais pour les Congolais » !

 

L’honorable Chiralwira a fait écho aux propos affirmatifs de l’éminent constitutionnaliste sénégalais et a renchéri : « Nous sommes, nous Congolais, les auteurs de cette Constitution de la Transition ». Tous en reconnaissant les imperfections contenues dans cette loi fondamentale, il a reconnu que « toutefois, les influences extérieures n’ont pas manqué », et il en a cité quelques exemples.

 

Comme pour souligner l’importance de ce document juridique et relever l’inopportunité et la stérilité du débat en cours, l’orateur a conclu : « Que ce texte ait été imposé de l’extérieur ou rédigé par nous-même, il a au moins le mérite de nous avoir sauvé du suicide collectif ».

 

Professeur Mampuya plaide pour encadrement du comité de rédaction par une expertise extérieure au Sénat

 

Loin de chercher à minimiser la valeur de l’expertise nationale, quelques intervenants et séminaristes ont soutenu la thèse de la nécessité qui s’impose aux constituants de s’ouvrir à l’expertise extérieure, même si l’on doit s’interdire à adopter les mimétismes étrangers ».

 

Le professeur Mampuya, ardent avocat de cette thèse est revenu plusieurs fois sur le métier pour inviter les séminaristes à se « faire assister par des experts » dans l’élaboration de ce document. « Ce ne sont pas une espèce dangereuse », a-t-il ironisé, parlant des experts.

 

Mais c’est de tout autre chose que de l’ironie qu’il s’est agi quand il leur a dit, sans se départir de sa verve oratoire : « Vous avez des tares idéologiques qui vous poursuivent et dont vous n’arrivez pas à vous défaire depuis la 1ère République, la Cns, Gaberone, Lusaka, Sun City, Matadi et bientôt ici au Palais du Peuple. Les experts internationaux vont vous aider à avoir du recul ; ils peuvent vous aider à transcender vos divergences ». 

 

Si cette prémonition n’exprime pas une crainte de voir les travaux de la rédaction et la séance de l’adoption du texte de la future Constitution s’enliser, c’est malheureusement comme si. Et il y a de fortes chances que l’on en arrive là. Et si d’aventure les conseils du professeur Mampuya font autre chose que tilt dans leurs oreilles, alors on peut craindre qu’au 30 juin 2005 l’on soit encore astreint à attendre la présentation de la mouture de la Constitution de la nouvelle République. Ce qui, entre-nous cela soit dit est une perspective non réjouissante, loin s’en faut !

 

Le professeur Mampuya a malgré tout rassuré les experts internes au Sénat, dont « quelques-uns, a-t-il confessé, sont passés par mon moule à l’université ». Sans minimiser l’expertise de ces jeunes qui travaillent dans la Chambre haute, il craint que, réduits plutôt à exercer des tâches qui s’apparentent à des jobs de greffier, ils soient dépassés par l’ampleur de l’exercice qui consiste à penser aux lois qui sont appelées à sortir la République démocratique du Congo de l’ornière.

 

(cvm) | MMC